D’abord Vélasquez.
À cinq ans, une représentation : les Ménines dans « Mon premier livre d’art ».

Je suis fascinée par le visage de l’infante Marguerite au centre du tableau. Les yeux agrandis par ce qu’ils voient de l’autre côté de la représentation, lèvres closes, elle, si petite, impeccablement figée et droite sous le fardeau royal ; où est l’enfance ?
Le regard grave, conscient de sa condition, ce regard est pour moi, et autour de moi, le manège des personnages de Velasquez. J’entre dans la ronde des regards de ces personnages; j’ai cinq ans, je suis regardée par le tableau, et j’entre dans la peinture.

Vermeer – la jeune fille à la perle 1665 –
Découverte de la mise en abime de soi par le jeu des regards, le mien, le sien, et le monde reflété dans sa perle et sur sa peau.



Franck AUERBACH –
Force et passion contenues nous rappellent ce qui nous déborde

La vue de Delft – Johannes Vermeer – La Beauté…

Wilfredo Lam – Le présent éternel – 1944 – le regard ne vient plus d’un lieu repérable dans le visage, d’ailleurs il n’y a plus ni visage, ni corps, mais il y a partout de la présence, de la présence qui me fait face, partout des corps, partout des visages


Marcel Proust – Le temps retrouvé


D’Autremont – le poème/dessin
Le pinceau danse sur la feuille et sa danse hypnotique dit quelque chose de plus que ce qu’elle écrit, car elle écrit des mots, mais nous dit des signes, et quand je cherche des phrases, la danse est si rapide et joyeuse, à quoi bon chercher; dansons !

Picasso

Masque FANG

Bronze d’IFÉ du Bénin

Tête du 15ème siècle
Splendeurs des masques d’Afrique, découverts par Matisse, Braque, Picasso pour l’art occidental, et l’art moderne apparait

L’escamoteur – 1475 – Jérôme Bosch
J’ai dix ans et j’assiste à une scène tragique, le grand personnage plié en deux, concentré sur le geste du magicien est en train de se faire voler sa bourse. L’enfant sourit, le voleur sourit, même la chouette semble être dans le coup.
Je suis scandalisée et inquiète, comment une assemblée peut-elle se rendre complice d’une injustice ? Jérôme Bosch nous montre une scène que nous sommes impuissants à dénoncer. Je suis prise à témoin de l’autre côté du tableau, à la fois au dedans et au dehors de cette réalité qui contient des êtres étranges.
Et, comme le bourgeois plié en deux, qui se fait voler parce qu’il est hypnotisé par l’escamoteur, je suis hypnotisée par ce tableau. Bosch le magicien me montre ma secrète jouissance à voir un naïf se faire berner; je suis parmi les personnages, du côté de ceux qui ricanent.


Vuillard, la couleur, passionnément,

Le fond, la forme, ramenés à la surface du tableau, comme un grand baiser de la peinture. La peinture de Vuillard embrasse, déborde l’oeil de toutes parts, les coloris nous laissent à chaque tableau dans une atmosphère unique, trempée de lumière
Peter Brueghel – école flamande

Le combat de Carnaval…

et de Carême – 1559
J’ai cinq ans et je me demande comment ces gens là ont pu exister. Il y a forcément une organisation secrète de ce monde fou, que la peinture montre avec tout le sérieux et l’application dont sont capables les adultes. Le monde contient donc des lieux de mystère et de liberté sans fin.